“Mon approche du domaine de la connaissance des sols s’inscrit dans une politique féministe de soins qui agit non seulement pour focaliser l’attention sur les pratiques de soins, mais aussi comme une orientation pour s’engager avec la signification des pratiques et des expériences rendues invisibles ou marginalisées par des formes dominantes, « réussies », de mobilisation technoscientifique. C’est aussi une motivation pour rechercher et, espérons-le, encourager les moyens d’améliorer les soins dans les relations homme-sol. En ce sens, se concentrer sur le soin (care) est une façon d’attirer l’attention sur des aperçus de relations alternatives vivables et, espérons-le, de contribuer à d’autres mondes possibles en devenir, ou « alter-ontologies », au cœur de la technoscience contemporaine.
Je m’intéresse aux réorientations conceptuelles et pratiques des sciences du sol qui pourraient questionner l’alignement avec les formes prédominantes de futurité technoscientifique. Notamment en remettant en cause l’ethos productiviste qui soumet le soin des sols, et plus généralement les relations homme-sol à l’extraction de la valeur économique future. […]
[Q]ue peut apporter une analyse critique de l’articulation de la temporalité du productivisme et des relations de soin (care) à ces transformations ?
L’entretien du sol dans un cadre productiviste vise à accroître l’efficacité du sol à produire pour les humains aux dépens de toutes les autres relations. Du point de vue d’une politique féministe du care sur les relations homme-sol, il s’agit d’une forme de care exploitant et instrumentalement enrégimenté, orienté par la temporalité anthropocentrique à sens unique de la technoscience productive.
L’approche des services écosystémiques examine les éléments impliqués dans un environnement ou un paysage écologique du point de vue de ce qu’ils offrent aux humains au-delà de la valeur purement économique et tente de calculer d’autres sources de « valeur » – pas nécessairement de les « évaluer », une distinction importante à de nombreux partisans de cette approche. Mais une politique féministe du soin interrogerait la compréhension des sols qui les pose comme des fonctions ou des services pour le « bien-être humain » (Millennium Ecosystem Assessment, 2005). […].
« service pour qui ? » pourrait être une question qui révèle les limites d’une approche de service pour transformer les relations homme-sol fondée sur la conception des entités nature/culturelles comme des ressources pour la consommation humaine. […]
L’introduction d’une approche multispécifique réinterroge la place de l’homme et les temporalités linéaires anthropocentriques dans les relations homme-sol.[…]
Penser des modèles multi-espèces tels que les réseaux trophiques à travers les soins implique d’examiner la dépendance du soignant (humain) vis-à-vis, non pas tant du produit ou du “service” du sol, mais d’une relationnalité inhérente qui rend les sols capables de “prendre soin” d’un certain nombre de processus vitaux. Ceci est souligné par la façon dont les capacités du sol dans les réseaux trophiques renvoient à un arrangement relationnel multilatéral dans lequel la nourriture, l’énergie et les déchets circulent, dans des échanges non réciproques.
(p.21, §2) Les mouvements transformateurs dans l’implication de l’homme dans le sol […] nécessitent de prendre du temps pour le temps du sol.
Le rythme requis par les soins du sol impliqués pose le défi d’une rencontre relationnelle de différentes chronologies qui pourraient affecter les notions de croissance qui dominent dans les technosciences. Dans ces temporalités du soin écologique, la croissance n’est pas forcément exponentielle, ni extensive. Ce n’est pas seulement parce que la croissance écologique implique des cycles de vie et de mort, mais aussi parce que ce qui fait croître une écologie se manifeste plutôt dans l’intensification et le foisonnement d’implications entre ses membres.Conçu comme tel, le temps du sol n’est pas « un » ; il expose des vitesses de croissance multiples devenant écologiquement significatives les unes pour les autres. Plaider pour une perturbation du temps futuriste en faisant du temps pour le soin n’est donc pas tant un ralentissement ou une redirection des chronologies qu’une invitation à réagencer et à rééquilibrer les relations entre une diversité de temporalités coexistantes qui habitent les mondes du sol et d’autres écologies interdépendantes.
Plutôt que d’aligner le temps du soin pour qu’il devienne exploitable dans la chronologie dominante – c’est-à-dire pour devenir productif – la balance des preuves devrait être tournée vers les modes de vie actuels dans le futur : comment les paysages temporels technoscientifiques du futur peuvent-ils vivre écologiquement avec des chronologies de soins ?”
Puig De La Bellacasa María, 2015, « Making time for soil: Technoscientific futurity and the pace of care », Social Studies of Science, vol. 45, n° 5 : 691‑716. (Google trad. & notre part, gras de notre part, extraits publiés avec l’autorisation de l’autrice)
# Des ateliers d’arts narratifs pour saisir et raconter l’écologie des relations multi-espèces
C’est au cours d’un premier atelier animé par Pascal d’Un Cabinet Photographique les 7 et 8 janvier 2025 que nous, étudiants en UE Gestion de Projets (GDP) du M2 ERPUR, apprenons à employer les sténopés pour capturer la lumière sur du papier sensible, en prenant des sujets dans le quartier, puis à révéler les images dans le laboratoire et à les fixer dans différents bains chimiques, avant d’observer la méthode de Pascal pour transformer par contact nos images négatives en images positives.
Voici ce qu’en dit Adèle : “L’atelier sténopé nous a permis selon moi d’aborder le support photo de façon concrète et de développer le fait que la photo ne sert pas juste à imager, mais aussi à créer du lien avec les sujets. Le sténopé en lui-même est une technique ludique qui donne envie d’expérimenter et de créer. Pascal a été très accueillant et pédagogue ce qui a rendu l’animation très agréable”
C’est ensuite au tour de François Lepage de nous inviter à une Classe de Maître en arts narratifs autour de quelques œuvres issues de son travail. Voici l’image qu’il nous envoie en guise d’invitation à partager en retour, des images et des textes .
Pendant 20 ans, il a parcouru plusieurs pays à la
recherche d'une identité.
Identité. De sa parole un peu lointaine maintenant je
ne retiens que ce mot qui revient sans cesse,
identité. Il n'a comme trace de son origine que ce
bout de papier vert qu'il a su conserver presque
miraculeusement dans tous ses déplacements forcés,
ses internements, ses naufrages,
ses emprisonnements.
Un bout d'identité délivré par le HCR en 1989 quand,
lui, ses parents, ses frères et sœurs, ont été
brutalement expulsés de leur village au bord de la
frontière entre la Mauritanie et le Sénégal. Parce
que l'histoire a écrit cette année-là qu'il ne
fallait pas être un berger Peul sur cette frontière.
- « Comment tu t'appelles » ? Demande le juge.
- « Ahmadou Dia ».
- «Quand es-tu né»?
- «En 1980».
- « Tu vas retourner en Grèce car c’est là que tu
es arrivé en Europe et c'est donc là que tu dois
faire ta demande de réfugié ».
- « Je ne retournerai pas en Grèce car je sais ce
qui va se passer ».
- « Si tu refuses tu iras en prison ».
- « J'irai en prison, je m'en fous, je sais que
tout cela n'est rien. Je n'ai rien à perdre. Des
fois, je préférerais être un chien ou un arbre
fruitier. L'arbre lui, il est utile aux autres.
Il donne des fruits. Je sais qu'un jour j'irai au
Paradis et que ce jour-là je serai bien car
j'aurais une identité.»
Mais les délais étant assez courts, seulement quelques étudiantes partageront des images, et nous organiserons une deuxième Classe de Maître le 13 février afin de poursuivre ces partages.
Lysa nous présentera à cette occasion, un documentaire très beau sur ses montagnes et son peuple kabylles.
# Après quelques après-midis de participation aux activités du collectif Dignité cimetière, c’est le jeu qui apparaît comme le terrain le plus propice aux échanges, et un jeu de l’oie est fabriqué par l’équipe afin de partager des connaissances sur les oiseaux des jardins, et les anecdotes suivantes feront en retour partie des réponses aux épreuves semées dans le parcours de l’oie :
“Il faisait orage, j’étais sous un arbre. Je suis parti et la minute d’après, la foudre tombait sur cet arbre. C’est ce qu’on appelle avoir de la chance..”. “Je leur tends des graines et il venait dans ma main picorer. Ils ont pas peur !” “Je leur mettais à manger à côté de moi et les oiseaux venaient même avec les chiens pas loin.” “J’ai entendu parlé des inséparables, ils vivent toujours en couple. Seuls ils dépérissent… C’est beau, c’est ça la fidélité…” “Je me suis faite voler mon sandwich à République par un goéland.” “L’année dernière on a eu que du blanc [en parlant des dahlias]. Cette année on veut un mélange, c’est beaucoup plus gai !” “[en parlant des rhizomes des dahlias] tiens pour ce midi, une bonne pomme de terre !”
# C’est au sein de l’association la Loupiote que les étudiantes ont rencontré les jardinières qui leur ont partagé le sens qu’elle donnent à leurs relations entre elles et aux plantes dont elles prennent soin.
“Il ressortait aussi de ces échanges que les femmes d’origine étrangère, quand elles arrivaient en France, coupaient toutes leurs relations à la nature et qu’elles avaient du mal à retrouver le chemin de la nature en arrivant ici, […] Y’avait tout un projet à mener autour de ça pour, qu’entre autre, les familles d’origine étrangère puissent recréer des souvenirs à travers leurs enfants, des souvenirs de la nature. Parce qu’en fait de la nature, on se rend compte très vite que c’est depuis l’enfance. […] Et du coup, de faire les ponts avec les plantes d’ici.”
# Un atelier relatoptique a été mis en place avec deux objectifs : trouver des solutions non létales à la question des gastéropodes qui peuplent le Jardin du Bonheur et prélèvent une partie des légumes et des fruits qui y poussent, et explorer les pistes de construction d’un studio photographique de plein air destiné à photographier les bestioles disposant d’un exosquelette articulé (arthropodes) qui parcourent le jardin la nuit à la recherche de nourriture, parmi laquelle figure ces gastéropodes, après les avoir capturées dans des écocups disposés la nuit à ras du sol et relevés au petit matin. Une BD retrace cette aventure https://link.infini.fr/bd_relatoptique
Le CLUB DES CINQ (ERPUR) Un atelier RELATOPTIQUE… (extrait de la BD)
# C’est avec Élise Cabau, professeure de SVT au collège Théodore Monod à Vern sur Seiche, et ses collégiens, qui , après avoir participé à la plantation de 720 arbres et arbustes de la future forêt du Poncel à Vern sur Seiche en décembre 2023, souhaitaient en savoir plus sur les vers de terre de cette future forêt, qu’un groupe a réalisé un test bêche participatif comme ceux pratiqués à l’Observatoire des vers de terre (OPVT) de la station biologique de Paimpont.
la plantation des 720 arbres et arbustes de la future forêt du Poncel en décembre 2023
# C”est avec l’association Espoir et Entraide Scolaire de la rue de Brno qu’une équipe s’est lancée dans la construction d’une mangeoire photographique pour les oiseaux du quartier : “Nous avons eu des hauts et des bas pendant la création de ce projet. Déjà, nous comptions sur la mangeoire photographique pour notre première et notre deuxième animation, soit 2 animations sur 3. Malheureusement, nous ne sommes pas issues de filière informatique et l’informatique reste quelque chose de très éloigné. Quand Tony nous parlait de langage C ou C++, cela nous passait un peu au-dessus. Emma avait bien fait du codage sur Arduino en terminale mais 7 ans se sont écoulés depuis et donc toutes les notions sont restées à l’état de notions lointaines. Donc la première étape a été de comprendre le code. Comprendre comment fonctionne une caméra ESP32.”(extrait du carnet de terrain https://link.infini.fr/carnet_mangeoire_photo )
extrait du poster de lӎquipe Mangeoire photographique
Tony, animateur de l’Édulad de Rennes 2 qui était parmi la quinzaine de personnes présentes dans le public du PAM, a trouvé les étudiantes très investies au point que parfois le temps de parole fut dépassé ; certaines disaient, à propos des ateliers, “on avait pas trop de règles, on était un peu perdues”, d’autres “au contraire c’est ça qui était bien”; donc cette méthode par le faire, c’est intéressant parce que ça échange dessus ; Tony a trouvé que ça a bien stimulé la créativité, “ils y ont pris du plaisir. Le repas avant les présentations dans le hall du PAM, préparé par l’association Épines “c’était vachement bien ça permet de poursuivre les échanges avec les habitants, on a vu un peu l’émulsion que ça a été sur le terrain, ça ancre un peu plus dans le territoire”.
En conclusion voici le point de vue d’Alexia : “Ayant du mal avec les choses dont le sens n’est pas explicite, j’ai pu ne pas comprendre tout de suite la pertinence des ateliers proposés. Éric a proposé ces ateliers sans savoir où nous allions, simplement parce que les artistes sollicités avaient des expériences narratives diverses, et cette dimension narrative était au cœur du projet de transformation pédagogique de l’atelier GDP qui a été lauréat de l’AMI IRIS-E. Cependant, c’est avec le projet de Workshop de l’IAUR (présentation par l’AUDIAR de récits prospectifs sur la vie de futurs habitants en lien avec le changement climatique) que j’ai pu comprendre en quoi la narration multimédia pouvait avoir du sens : pour partager et atteindre un public différent mais aussi pour co-construire.”